Éditorial

Naufrage temporel

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Entre gagner une heure de sommeil le matin et perdre une heure de lumière du soleil le soir, mon cœur balance. Car entre sommeil et soleil, lequel des deux nous est vraiment le plus profitable en cette seconde moitié d’automne ? Difficile d’obtenir un avis « éclairé » sur ce point, tant les différents avis sont contradictoires… même lorsqu’ils émanent des plus prestigieux spécialistes.
Toujours est-il que dans la nuit du samedi 30 au dimanche 31 octobre, nous passerons à l’heure d’hiver, comme tous les ans à la fin du mois d’octobre, depuis 1976. Concrètement à trois heures, il ne sera en réalité que deux heures du matin.
Même s’il n’est qu’illusoire, cet étrange rétropédalage horaire m’a toujours fasciné, tant il ouvre grand le champ des possibles vers les nombreuses œuvres fantastiques, littéraires ou cinématographiques, ayant déjà exploré ce fantasmatique thème du voyage dans les mystérieux couloirs du temps.
A l’image du classique des classiques “Retour vers le futur” de Robert Zemeckis, et de son fameux almanach (venu du futur) qui permet à son détenteur de connaitre les bons numéros du loto avant son tirage, ou de l’arrivée du quinté avant son départ.
S’il vous plait, même si je sais que c’est impossible, laissez-moi en rêver, juste le temps de terminer d’écrire cette phrase… Merci.
Retour à la réalité présente. Désillusion, sclérose, défilement imperméable des minutes au goutte à goutte.

Aussi, cette illusion de traverser le temps, dont je m’exalterai samedi soir, sera-t-elle la dernière ?
Il semblerait que non, même si d’un point de vue strictement législatif, l’Union Européenne avait officiellement décrété y mettre un terme depuis trois ans.
Et pour cause, ce changement bi-annuel, (passage à l’heure d’hiver le dernier dimanche d’octobre, retour à l’heure d’été le dernier dimanche de mars) devient de plus en plus décrié pour son effet sur les rythmes biologiques, notamment par les médecins et les parents d’élèves.
Pour mémoire, en France, une consultation organisée via internet en 2019 par la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale avait reçu plus de deux millions de réponses, dont 83,74 % se prononçaient en faveur de la suppression du changement d’heure. Dans celle-ci, plus de 60 % des contributeurs assuraient avoir eu « une expérience négative ou très négative ». S’agissant de l’heure sur laquelle se caler toute l’année, c’est évidemment celle d’été qui a eu la préférence de 59 % des participants.
Rappelons que le changement d’heure a été harmonisé par l’Europe en 1980. Il était alors justifié au principal motif de sensibles économies d’énergie, dont l’efficience est aujourd’hui majoritairement contestée.
D’où l’initiative de la Commission européenne de travailler à le supprimer. Puis de repousser cette mesure en 2019, puis en 2020, puis en 2021, puis… le Covid-19 est passé par là. Avec pour conséquence une spectaculaire inertie décisionnelle.
Rassurons-nous. A l’inverse de certains politiques, il nous reste donc encore un certain temps, pour mieux savoir comment l’utiliser…