L’invité de la semaine : Philippe Bruniaux

Rencontre avec le président de l’association Pasteur patrimoine arboisien, depuis une dizaine d’années.

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Philippe Bruniaux.

Philippe Bruniaux, aujourd’hui, vous êtes l’un des spécialistes de Louis Pasteur. Comment vous est venu cet intérêt pour le savant ?
Je me suis intéressé à Pasteur très tôt, avant mon entrée au collège. Le déclic est venu lorsque j’étais en vacances en Vendée. Là-bas, il y avait une rue Pasteur. Je me suis dit, s’il y a une rue Pasteur à l’autre bout de la France, c’est que Pasteur devait être quelqu’un d’important. Et j’ai eu envie d’en savoir plus.
Je suis entré au collège Pasteur. Dans mes années collège, j’ai fait beaucoup d’actions autour de Pasteur. Depuis ce temps-là, c’est devenu une passion. J’ai amassé des documents et je suis allé sur les traces de Pasteur.
Auguste Pointelin et Pasteur étaient amis et étant descendant indirect de Pointelin, ça a corroboré cette envie. En 1995, j’ai fait la rencontre de Marie-Laure Prévost de la Bibliothèque nationale de France (BnF) et je me suis plongé dans les manuscrits de Pasteur.

Comment avez-vous fait pour devenir un spécialiste du savant ?
J’ai fait une thèse sur l’histoire de la médecine, Pasteur à Arbois, soutenue en 2005 qui reprend en grande partie des manuscrits de Pasteur conservés à la BnF. Il y a eu aussi mon mémoire de soins palliatifs sur Pasteur, sur les soins apportés au XIXe siècle et sur cette première vaccination.
De fil en aiguille, j’ai fait des conférences. J’ai en 2018 été co-commissaire avec Marie-Laure Prévost d’une exposition sur Pasteur qui a eu un label d’intérêt national. Ce fut une vraie reconnaissance pour notre travail.

Dernièrement, vous avez donné à Dole une conférence sur le scientifique baptisée Les cinq maisons natales de Pasteur. Quelles en sont les conclusions ?
Pasteur est né le 27 décembre 1822 à Dole et il y est resté 2 ans et 7 mois. Mais le père de Pasteur a habité plusieurs maisons dans Dole. Si le savant a inauguré une plaque sur une maison qui restera la maison natale, il y a toujours eu beaucoup d’incertitudes.
Pasteur évoquait la rue où il était né mais jamais la maison natale car effectivement, d’après les archives, il n’est pas né dans cette maison mais dans une demeure plus en amont. Et du vivant de Pasteur, il était souvent écrit qu’il était né à Arbois. C’est un journaliste dolois, Ernest Figurey, qui le mentionnait. Les Dolois s’en sont offusqués et le bibliothécaire de la ville, Jean-Joseph Pallu a fait des recherches historiques que j’ai retrouvées.

Pourquoi est-ce important de célébrer le bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur ?
La France aime célébrer ses grands hommes. Ensuite, ce bicentenaire est reconnu comme un anniversaire d’un point de vue national. La démarche scientifique de Pasteur reste très actuelle, notamment en période de Covid-19. La première personne vaccinée du Covid en France l’a été un 27 décembre, jour de la naissance de Pasteur.
Ce bicentenaire doit englober des manifestations rayonnantes car on fête la naissance d’un homme devenu bienfaiteur de l’humanité.

Le samedi 9 juillet, la 8e étape du Tour de France reliera Dole à Lausanne. Cette étape est-elle un hommage pour le bicentenaire de Louis Pasteur, découvreur du vaccin antirabique en 1885, alors que la vaccination nous sauvera de la Covid-19 ?
C’est d’abord de la communication pour focaliser l’attention sur la ville de Dole, qui est ville natale de Pasteur. C’est un très beau coup de communication pour Dole et le Jura.
Il est souhaitable de ne pas faire que de la communication sur des événements qui n’apportent pas à la compréhension de Pasteur d’hier, et de la science d’aujourd’hui et de demain.
Quand on voit le nombre de personnes qui critiquent l’histoire, la vaccination… Ces moments-là devraient être importants pour mieux appréhender l’histoire des sciences et avoir une projection sur le monde de demain, notamment sur les maladies infectieuses.

Si on regarde un instant les vaccins contre la Covid-19, tous ceux actuellement commercialisés sont étrangers. Regrettez-vous que dans le pays de Pasteur, nous ne soyons visiblement pas en capacité de créer un vaccin contre la Covid-19 ?
Je pense qu’en France, les budgets alloués à la recherche et les liens qui pourraient être créés entre la recherche et les universités n’est pas à la même hauteur et avec la même vision que pour d’autres pays. La question : la France fait-elle confiance à ses chercheurs et les retient-elle ?

En tant que spécialiste, avez-vous une petite idée de la forme que prendront les animations pour Pasteur 2022 ?
Il semblerait qu’il y ait beaucoup moins d’engouement que pour le centenaire du décès de Pasteur, en 1995.
Je sais qu’il y aura beaucoup de colloques. Les après-midi du 17 et du 18 juin 2022, il y aura un colloque de la Société française de l’histoire de la médecine, dont je suis membre, ouvert gratuitement au grand public à la salle des fêtes d’Arbois.
Notre association Pasteur patrimoine arboisien, avec le soutien de l’université de Strasbourg, mettra aussi en place des ateliers scientifiques dans un local en 2022 pour les élèves et les touristes. Ils pourront s’adonner à la science, en lien avec les expériences de Pasteur.
Un timbre Pasteur sortira début 2022 à Dole. Il y a aussi un site internet pour présenter le programme.
Cette année, avec Marie-Laure Prévost, nous sortirons un livre aux éditions Sekoya sur Pasteur artiste et plasticien. Pasteur a fait de très beaux pastels de sa famille et d’amis arboisiens. Deux autres livres sont dans les cartons : l’un sur la rage et l’éthique, en lien avec mon mémoire de soins palliatifs, et une biographie de Pasteur en lien avec le Jura.